Le burnout est une fracture dans la trajectoire professionnelle des individus qui entache douloureusement leur parcours. Il se définit comme un épuisement nerveux complet résultant d’une implication trop forte, dans un contexte de travail qu’ils surinvestissent. Les causes d’un burnout peuvent être multiples et sont toujours personnelles à chacun. Mais on remarque néanmoins que la banalisation du phénomène fait que l’on recherche aussi à le prévenir. Il est, de fait, de loin préférable de sauvegarder son équilibre fragilisé, que d’attendre l’effondrement final. Cet article s’attarde à mieux comprendre comment les individus se confrontent à cette crise, et pourquoi sa prévention devient aujourd’hui pour chacun, impérieusement nécessaire.
Vers une banalisation tranquille du burnout
Il est apparemment difficile d’évaluer le nombre de personnes victimes d’un burnout en 2022, puisque le phénomène n’est toujours pas authentifié comme une maladie par nos autorités de santé. Néanmoins, des spécialistes de la question comme Jean-Baptiste van den Hove, parlaient déjà en 2017 de plus de 480 000 victimes du burnout. La crise du Covid et son cortège de retombées économiques ont bien sûr accéléré le mouvement, puisque les indicateurs récents parlent de 2,4 millions de salariés en burnout pour l’année 2022.
Or, on sait que face à une telle hécatombe, les relais d’écoute au sein des entreprises, syndicats ou autres institutions, sont largement insuffisants et peu préparés. Et il n’est pas déraisonnable de constater que les modes de management irrationnels, le culte de la performance, et l’encouragement d’un narcissisme synonyme d’atomisation des individus, compromet toutes issues à une résolution du problème au sein des organisations.
Alors face à ce constat, que peut-on faire ? Soutenir les victimes de burnout est, on s’en doute, une urgence sociétale aux vues des chiffres évoqués.
Les signes avant-coureurs et la crise
Un burnout qui éclate n’est malheureusement que l’apothéose d’une crise en gestation depuis un certain temps.
Le processus est rythmé par des phases, avec d’abord, une période d’engagement enthousiaste dans le travail.
Puis survient l’emballement. La cause peut avoir diverses origines : surinvestissement affectif du travail, restrictions de moyens et de personnel émanant d’une direction dont les objectifs restent inchangés, bouleversements organisationnels…
L’individu, à ce stade, fait face à une charge de travail et à des obligations qui ne sont plus rationnelles et qui dépassent son potentiel. Il nage à contre-courant en s’efforçant de faire face à ce qu’il estime bien souvent être un devoir, motivé par une nécessité économique vitale. Il y engage donc pleinement toutes ses ressources physiques, mentales et émotionnelles. Bien vite il va s’épuiser et montrer des signes d’irritabilité et d’impuissance. Il se désinvestit progressivement de ce travail pourtant au centre de sa vie, mais dont il perd le contrôle. Il devient irritable, cynique… Il n’y arrive plus. Le stress chronique annihile ses capacités de concentration, de mémorisation et d’adaptation.
C’est à ce stade, que les symptômes psychosomatiques avant-coureurs du burnout se manifestent : insomnies et incapacité à récupérer et se détendre, maux de tête, problèmes de digestion, « boule au ventre », tachycardie… En cas de pression très fortes, on observe des symptômes menant à des complication graves comme l’AVC.
Dernier acte : la victime a « grillé toutes ses cartouches » (burnout signifie littéralement en anglais consomption). Elle souffre d’un épuisement complet et ne peut plus faire face à son travail. Il s’ensuit pour elle psychologiquement un anéantissement personnel, une forme de dépersonnalisation qui mène à une crise grave dont la dépression est la résultante. De longs mois seront nécessaires pour récupérer, et les fondements de la personnalité même de la personne sont ébranlés.
Les conséquences du burnout
Il est nécessaire, donc, de repérer les signes avant-coureurs du burnout avant le dénouement final. Les conséquences qu’il entraîne : stress chronique et arrêt médicaux doivent alerter. Les différents thérapeutes qui se spécialisent dans la prévention du burnout l’affirment : le processus s’emballe chez les individus qui n’ont pas appris à mettre de limites, à dire « non » et mettre un terme aux situations d’abus qui s’exercent sur leurs personnes.
Malheureusement, il existe encore trop souvent un effet de sidération menant les individus victimes au silence et au repli. Faute d’écoute et de prise en charge adaptée, le burnout ne devient pas uniquement synonyme d’arrêt de travail et d’accident professionnel, mais aussi de faille personnelle profonde. Autrement dit, le burnout fragilise l’individu non seulement sur le plan professionnel, mais aussi dans tous les aspects de sa vie.
Globalement, sur le plan professionnel, l’individu qui a été « cassé » a peu de chance de retrouver un poste équivalent à celui qu’il occupait auparavant. Car il évite souvent de reprendre un poste à la hauteur de ses diplômes et de ses compétences, de peur de retomber sur les mêmes problématiques. Il n’est pas rare, donc, que les victimes de burnout qui n’ont pas été aidées à dépasser l’événement, se retrouvent ensuite à des postes sous-qualifiés. Ces postes sont pour elles à la fois gages de tranquillité, tout en étant générateurs de déprime et de frustration, relativement à la déperdition de valeur intellectuelle, créative et relationnelle qu’ils génèrent chez la personne.
Sur le plan global, l’individu fauché dans son parcours par un burnout géré «en solitaire», va accuser les secousses de sa fracture professionnelle dans sa personnalité toute entière. La perte de confiance en soi se répercute dans les différentes sphères de sa vie. Elle génère, selon les personnes, de l’agressivité et un caractère qui peut devenir cassant, une perte d’empathie pour soi et pour les autres, et une dépersonnalisation qui s’affirme dans tous les aspects de la personnalité. Cette fêlure concourt à rendre la personne plus fragile et plus influençable.
Le risque existe, de fait, de faire plusieurs burnout consécutifs dans une vie, à partir du moment où l’individu a coutume d’intérioriser la violence symbolique subie sans l’identifier et la remettre en cause.
Or, plusieurs burnouts successifs deviennent souvent synonymes de harcèlement au travail. Les séquelles psychologiques sur les personnes peuvent devenir irréversibles et les amener sans cesse à subir de nouvelles emprises dans leur sphère professionnelle, puis progressivement également dans leur sphère privée et affective.
L’échec, la solitude et le repli sur soi deviennent, dans un tel contexte, définitifs.
Quelques solutions aujourd’hui
Il ne faut donc jamais sous-estimer les signes d’une souffrance au travail ou d’un épuisement professionnel ressenti chez soi ou chez les autres. Commencer à en parler avec des interlocuteurs choisis, dans son milieu professionnel comme dans sa vie est essentiel.
Il est important aussi de lever les tabous propres à ce phénomène qui sévit dans notre société ultra matérialiste et productiviste, obsédée par l’argent, les apparences de l’argent, et le pouvoir. Les victimes de burnout sont souvent les personnes les plus compétentes et consciencieuses, mais elles s’encombrent souvent de scrupules et de standards inadaptés. Le burnout est une occasion pour elles de se découvrir et de réorienter leurs talents vers des domaines plus propices à une réalisation personnelle.
Les victimes doivent avant tout penser à elles et s’orienter solutions pour sortir de l’engrenage : appuis immédiats, amicaux, familiaux… Des thérapies courtes et brèves peuvent parfois beaucoup pour les aider : comme l’hypnose contre le burn-out, assisté ou non de l’EMDR.
Il existe aussi des structures spécialisées accueillant les victimes pour éviter de retomber dans l’engrenage infernal.
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