mec-qui-porte-la-chkoumoune

Plus encore que les contraintes quotidiennes, le regard des autres a tendance à peser lourd sur les épaules des mamans solos.  Qu’elles soient en galère ou à l’aise économiquement, il est un point où toutes s’accordent : le manque de reconnaissance sociale. Etre maman solo, c’est trop souvent entendre des hululements sinistres :  « Oh, lala, oh ma pOOOvre, comment tu y arrives ? » qui nous filent la nausée. Oui, les femmes qui assument leur famille sans l’homme dérangent ou font peur, pour un tas de raison. Décortiquons-les un petit peu.  

 

Les psychologues de bazar

Les discours psychologisants à 2 balles sur la monoparentalité vont bon train. On les croise facilement sur le web au détour d’articles bourrés de préjugés. Exemple basique : les mères seules donnent une mauvaise image de la famille aux enfants, car elles ne savent pas comment marche un couple.
Même si elles reconstruisent leur vie avec un autre partenaire.
Même si elles sont prennent tout simplement le temps de se remettre en question pour fonder une union plus heureuse à l’avenir. Non, elles sont seules, donc, « il leur manque quelque chose ». Mais quoi, au fait ? M’est avis encore que c’est du côté du Dr Freud qu’il faut chercher l’origine du problème. Une femme non accompagnée est vouée à la perdition dans la vie, car elle est obligée de vivre sans phallus. Un facteur de plus qui  pousserait au suicide, certainement…

Dans le même registre : les mères seules peinent à élever des enfants qui deviendront plus instables que les autres : elles sont les génitrices des toxicos et des délinquants de demain.
Certes, l’absence de père n’a rien d’un avantage, mais de là à pousser le misérabilisme jusqu’à confondre monoparentalité féminine avec fin de civilisation, il y a quand même un pas… Car, non, les familles monoparentales ne vivent pas toutes dans des grottes, vêtues de peaux de bêtes. Quand vient l’heure du repas, la joyeuse fratrie ne saute pas joyeusement sur une antilope en arrachant la part du petit frère (enfin, cela arrive quelquefois, mais pas plus que dans les familles « standard », selon une récente étude ethnographique).

Je caricature à dessein, car je le pense : il y a dans la bouche de certains bien-pensants des discours sur la monoparentalité qui trahissent un ridicule profond.
Les épreuves resserrent souvent les liens dans une famille monoparentale et le respect et les prises de conscience qui en naissent sont très forts. Alors, penser qu’il ne peut y avoir d’autorité ou d’éducation valable en foyer monoparental, relève surtout d’un problème d’ouverture, voire d’un refuge des mentalités dans une image d’Epinal de la famille traditionnelle.

Les habitants du BISOUNOURS LAND 

Les pères qui abandonnent leurs responsabilités aux femmes, négligeant droit de visite et paiement de leur pension alimentaire sont un peu facilement disculpés. Tout se passe comme si un discret retour du patriarcat intimait qu’en cas de conflit dans un couple séparé, le problème est souvent du côté des mères, les hommes étant plus à plaindre.

Depuis que leur (très !) haut sens des responsabilités ont poussé quelques pères à se percher sur des grues, l’antique peur de la mama castratrice et voleuse d’enfants a-t-elle refait surface ?  L’image du père moderne devient celle d’un preux chevalier au grand cœur, quand les mères elles, ne s’évertueraient qu’à séquestrer leur couvée.
Or, on a cru trop vite aux promesses des pubs Pampers car l’on sait que tous les hommes sont encore loin de mettre la main à la couche dans les faits ! L’image du beau mec musclé qui s’attèle à une telle corvée relève plus d’une sentimentalité candide que d’une évolution des moeurs pour l’instant.

Alors les mamans solos du quotidien ont l’air bien ternes dans tout ça. Seules, fauchées et privées – comme noté plus haut- du saint Graal que représente un phallus dans leur vie, elles font figure de grosses mères poules confites dans leurs idées étroites.
Après tout, ne seraient-elles pas aussi un peu frustrées, car devenues inutiles et dépassées, au royaume des pères maternants.

Enfin les hommes ou plutôt les femmes ?

Contrairement à beaucoup d’idées reçues, je ne suis pas si sûre que les hommes soient effrayés par les femmes qui ont des enfants. En revanche, sur le plan social, il est plus difficile de lier amitié avec d’autres femmes en couple, qu’avec d’autres mamans solos. On est hors norme, soit, mais ne soyons pas trop crédules : on est aussi un danger potentiel pour les maris des autres.

Décidément, le statut de mère solo éveille les suspicions.
Pourtant, en fait de nos folles nuits passées supposément à danser et draguer par ces bonnes âmes, on aimerait bien leur filer nos nuits blanches, nos factures impayées et nos copines qui chouinent au téléphone.
Mais c’est ainsi, les clichés ont la vie dure et ceux qui sévissent sur les mamans solos ont un mérite. Celui de nous éclairer sur la difficile acceptation des femmes qui décident de s’assumer sans homme et de se déterminer dans une société où les femmes, dit-on, se sont émancipées il y a plus de 50 ans.

Car à présent en ces temps de crise et de repli des mentalités, comme le dit la chanson de Brassens : « Non les braves gens n’aiment pas que… l’on suive une route qu’eux… »